Les langues des signes ne s’écrivent pas. Ou presque.

Les langues signées sont des langues qui, jusqu’à peut-être aujourd’hui avec l’apparition des systèmes d’enregistrement vidéo modernes, étaient surtout des langues vivantes dites « à tradition orale ». Elles n’ont pas de système d’écriture connu et maîtrisé par la majorité des gens qui les utilisent. 

Les langues à « tradition orales » sont des langues qui, anthropologiquement et linguistiquement parlant, n’ont pas de système d’écriture et ne se transmettent pas ainsi. Et pourtant, de nombreux moyens de codification écrite ou dessinée ont déjà été mis en place, mais ils ont chacun des inconvénients. Soit ils ne sont pas complets et ne peuvent pas transcrire toutes les subtilités de la langue, soit ils sont trop complexes à maîtriser pour leurs utilisateurs habituels.

Dans la plupart des dictionnaires des langues signées, surtout les plus anciens, on a utilisé un système de dessins assortis de symboles qui disent comment déplacer les mains. Et sous ces dessins on a employé un procédé que l’on appelle la « glose » et qui consiste à noter, en dessous, le mot dans la langue orale, auquel correspond le signe qui est dessiné. Ce premier système rudimentaire, bien qu’il soit facile d’accès et de compréhension présente de nombreux inconvénients. Le plus gros est le fait qu’il ne fournit qu’une approximation de la signification du signe qui est présenté. Bon nombre de signes ont plusieurs significations en fonction du contexte dans lequel ils sont utilisés et bon nombre de mots oraux ont plusieurs « équivalents » signés. Certains signes ne peuvent pas non plus être traduits à l’aide d’un seul mot et doivent pouvoir être expliqués avec des exemples contextuels. Ce système de notation ne rend donc pas justice à l’étendue lexicale et au sens des langues signées. Il présente aussi l’inconvénient de ne pas pouvoir rendre les paramètres non manuels des langues signées de façon suffisamment précise. Ces paramètres sont l’expression du visage, les mouvements de la bouche, des yeux, du nez, des épaules, du torse, etc. Il est aussi difficile de préciser l’emplacement exact, dans l’espace autour du corps, où se font les signes. Il est aussi extrêmement complexe de représenter la simultanéité ou le décalage d’exécution de signes uniques composés de plusieurs mouvements qu’ils soient faits avec une main ou deux mains.

A ce système de dessins, les linguistes lui ont préféré d’autres systèmes de notations, certains pouvant être très complets en informations linguistiques mais ils sont trop détaillés et complexes pour pouvoir être utilisés par le commun des gens ou dans une utilisation quotidienne. Un système a été plus communément admis que les autres et des expériences d’enseignement dans le cadre de cours de langue des signes sont conduites dans différents endroits dans le monde. Il s’agit du SignWriting. Ce système permet d’écrire ou de dactylographier n’importe quelle langue des signes du monde. Cependant, il n’est pas systématiquement utilisé dans tous les pays non plus(1). En Belgique, on en trouve quelques applications, principalement à vocation pédagogique, dans les écoles spécialisées pour sourds, dans le projet inclusif et bilingue français-LSFB à l’Institut Sainte-Marie à Namur et dans certains cours de langue des signes destinés aux adultes entendants et sourds (2).

Plus tard, les linguistes ont développé d’autres systèmes, combinant à la fois des vidéos et des codes plus abstraits. S’ils sont plus complets et exploitables par les linguistes, ils restent malheureusement extrêmement codifiés, complexes et chronophages à annoter et à exploiter. Ils présentent l’intérêt aussi de pouvoir relier des séquences signées à des traductions dans les langues orales et d’effectuer des analyses comparatives entre les langues signées et les langues orales.

(1)   Baker A., van den Bogaerde B., Pfau R. Schermer T., The Linguistics of Sign Languages : An introduction, John Benjamins Publishing Company, Amsterdam/Philadelphia, 2016, Ch.1 p.15.

(2) Devalet M.-F., Ecrire la langue des signes, le faut-il vraiment ?, Fédération Francophone des Sourds de Belgique, Sournal, N°117, p.11-13.


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