Une personne sourde est une personne handicapée dotée d’un handicap invisible à l’œil nu. En effet, la surdité ne se voit pas, ne s’entend pas et ne se remarque pas. C’est l’enfant oublié de la famille. Et pourtant, le·a sourd·e ne peut comprendre ou communiquer avec le reste de la société sans la langue des signes.
Dimanche soir, l’émission de Cap 48 n’avait pas prévu d’interprète sur la Une, mais uniquement sur AUVIO, la version en ligne des programmes. Un sous-titrage était néanmoins accessible.
Accepteriez-vous de regarder un programme sans le son ?
Ce nouvel exemple de manquement de la part des médias n’est plus surprenant, c’est régulièrement à l’ordre du jour de nos réunions. Un combat au quotidien.
Alors que font ces médias, qui sont capables de relayer les informations plus vite que l’éclair lorsqu’il s’agit de la mort d’un acteur connu ou pour annoncer le lancement d’un nouveau produit ?
Des moyens sont rapidement mis en place pour toucher un maximum d’auditeurs, de spectateurs, de “viewers”.
Alors pourquoi est-il si compliqué de prévoir un·e interprète pour une émission où une partie des concerné·e·s ne peuvent avoir accès ?
Le poids de la langue des signes
Il faut savoir qu’un sous-titrage en français rend le contenu accessible aux personnes qui savent lire le français. Or, pour une partie de la communauté sourde, la langue maternelle est la langue des signes. Langue avec laquelle, elle a suivi son cursus scolaire, langue avec laquelle les personnes sourdes communiquent entre elles, leur langue véhiculaire.
Prenez cet exemple concret pour comprendre la difficulté des personnes sourdes : c’est comme si votre langue maternelle était le français, mais qu’on vous imposait un sous-titrage en néerlandais à un programme en néerlandais en région francophone, ne ressentiriez-vous pas la même frustration ?
Bien sûr, ils n’avaient qu’à apprendre le français, répondrez-vous. Pas si simple cependant.
Il n’existe en Belgique francophone, jusqu’à présent, qu’une seule école bilingue français- langue des signes. L’école Sainte Marie de Namur a la spécificité de proposer des cours où deux instituteurs·trices donnent cours simultanément. L’un·e en français et l’autre en langue des signes. Les classes sont composées d’enfants majoritairement entendants, mais aussi d’un plus petit groupe d’enfants malentendants ou sourds. Et ce pour permettre aux enfants sourds d’apprendre à s’inclure dans une société où les entendants dominent.
Et les autres enfants sourds ?
Tous ne peuvent malheureusement pas suivre cet enseignement, pour des raisons diverses telles que la distance, la capacité d’accueil, la primauté de la culture sourde (au sein d’une famille sourde, par exemple) etc.
De plus, l’enseignement proposé s’arrête à la fin des secondaires. Et quid de la variété des filières (professionnelles, techniques, générales) disponibles aux entendants et inexistantes pour les sourds ?
Et après ?
Si un·e adolescent·e souhaite poursuivre des études supérieures, il ou elle doit trouver l’aide d’un panel d’interprètes qui le·la suivra tout le long des études. Sans cela, la possibilité de décrocher un diplôme d’études supérieures devient compliquée. Sans diplômes, les chances de trouver un emploi épanouissant se réduisent.
Inclusion oblige
Ce qui soulève une question basique.
Comment peut-on encore en 2021 justifier la marginalisation systématique d’une partie de la population alors que des moyens existent ?
À une époque où l’inclusion de toutes les minorités est un combat sur tous les fronts, le handicap de la surdité passe inaperçu. Chaque information officielle, programme sur les chaînes nationales, communication importante devrait être accessible à toute la population Belge. Les moyens pour assurer une bonne compréhension doivent être mis en place.
Et lorsque ce n’est pas le cas, comment les personnes sourdes peuvent-elles se plaindre quand les outils de communication ne sont pas toujours accessibles ? Appeler ? Ecrire ? Envoyer un mail ?
Ou demander à un·e entendant d’appeler, d’écrire, d’envoyer un mail ? Et comment introduit-on une plainte ? Toute la démarche se révèle souvent du parcours du combattant.
Et surtout, y répond-on ?
Dimanche soir, la RTBF en diffusant CAP 48 sans interprétation en langue des signes sur la première chaîne nationale a failli à son devoir d’accessibilité pour tous.