Données Globales
Les différentes études qui ont été menées pour savoir combien de personnes sourdes et malentendantes dans la population avancent des chiffres qui varient entre 6.6% et 16,1%. Une étude française nous explique pourquoi.
L’étude la plus récente qui ait été conduite en francophonie pour savoir combien il y a de personnes sourdes et malentendantes, est une étude française qui date de 2014[1].
Cette étude se base sur une enquête « Handicap-Santé »[2] qui présente un volet « ménages » (dit HSM, mené en 2008) et un volet « institutions » (dit HSI mené en 2009).
L’étude fait aussi des observations sur l’enquête précédente qui avait été menée en France : l’enquête HID (Handicap Incapacités et Dépendances) datant de 1998-1999[3]. Elle a exploité et présenté les résultats de l’enquête HSM et a expliqué où sont les problèmes d’interprétation des résultats que posent les enquêtes sur la surdité.
D’après eux, en exploitant les résultats de l’enquête « Handicap-Santé Ménages », la prévalence globale des limitations fonctionnelles auditives (surdité, malentendance et autres troubles de l’audition) est évaluée à 16,1 %. Si l’on exclut les limitations « légères », le taux de prévalence est de 8,6 %, soit très légèrement inférieur à celui de l’enquête de 1998-1998 qui était de 8,9 %, mais les différences de définition ne permettent pas les comparaisons directes. On peut donc estimer qu’il y a entre 8.6 et 16,1% de « personnes sourdes et malentendantes et/ou ayant d’autres troubles de l’audition », le chiffre variant selon la précision que l’on veut y apporter.
L’étude précise que la prévalence de 16,1 % n’est pas hors de proportion des estimations faites à partir des mesures de pertes d’audition, mais c’est un taux beaucoup plus élevé que dans la plupart des autres enquêtes de nature déclarative. En effet, les limitations fonctionnelles auditives légères ne sont pas facilement reconnues par les gens eux-mêmes car elles n’affectent pas fort leur vie quotidienne, dès lors, les gens ne la déclarent pas toujours dans les enquêtes. Mais quand on fait des mesures de l‘audition des gens, on retrouve cette proportion.
Pour résumer, on doit faire une différence entre les personnes qui ont un problème auditif et les personnes qui disent être affectées dans leur vie quotidienne par ce problème d’audition.
16% de la population a des problèmes d’audition.
En revanche seul 8.6% de la population a des problèmes d’audition ET ces problèmes d’audition ont des répercussions sur leur vie quotidienne.
Et dans les autre pays, qu’est-ce qu’ils disent ?
L’étude[4] (2014) montre que si on tient compte de tous les troubles de l’audition confondus, y compris ceux qui n’ont pas l’impression que ces troubles leur posent problème les chiffres obtenus à partir de l’enquête française[5] sont très proches de ceux que révèlent d’autres études conduites à l’étranger.
Elle est similaire à celle de l’étude américaine NHANES (National Health And Nutrition Examination Survey)[6]. Dans celle-ci, 16,1% des 20-69 ans avaient une déficience auditive. L’approche utilisée dans cette étude combinait aussi un questionnaire (déclaration) et un test d’audition (mesure réelle). Elle faisait donc aussi la différence entre la mesure réelle et ce que déclarent les gens sur leurs limitations dans la vie quotidienne.
La prévalence de 16,1% est également proche de celles citées dans un rapport européen Hear-it[7], pour des études s’appuyant sur des tests d’audition et incluant les déficiences légères, qui correspondent à de 26 à 40 décibels de perte auditive :
- Pour les 18-80 ans, 16,1 % au Royaume Uni en 2001, 17,1 % en Italie en 1996 contre 18 % dans l’enquête HSM française 2008.
- Pour les 20-80 ans, 16,9 % en Suède en 2003 contre 18,4 % dans HSM française 2008.
- Pour les 2-75 ans, 15 % en Finlande en 1999, contre 13,4 % dans HSM française 2008.
- Pour les 31-50 ans, 14,3 % au Danemark en 2000, contre 11,3 % dans HSM française 2008.
Les légers troubles de l’audition sont rarement pris en compte dans les autres enquêtes déclaratives françaises.
Et en Belgique ?
Il y a deux types de données sur la surdité en Belgique : les statistiques du dépistage néonatal de la surdité[8] et l’exploitation d’une enquête de santé par interview menée en 2001 sur la population belge[9]. Les autres enquêtes de santé par interview qui ont été menées depuis (2013 est la dernière et la prochaine sera en 2018) n’ont pas exploité de données sur la surdité[10].
Les statistiques du dépistage néonatal de la surdité montrent, d’année en année, à peu près toujours la même prévalence : 0.2% des enfants de moins de 10 ans présentent une surdité, avec une variation qui va de 0.1% à 0.4% selon les années. La surdité touche en moyenne 2 enfants sur 1000.
L’exploitation des données de l’enquête de santé par interview de 2001, elle, se base aussi, comme pour l’enquête HID française de 1998-1999, sur les déclarations des répondants. Elle faisait aussi état d’un chiffre tournant autour de 8 % de personnes âgées de 15 à 65 ans et plus déclarant être limitées dans leur vie quotidienne par un trouble de l’audition.
Au regard des enquêtes françaises, ces données fournissent peu d’informations. Et pourtant, rappelons-le, selon l’article 31 de la Convention de l’ONU, la Belgique doit «recueillir des informations appropriées, y compris des données statistiques et résultats de recherches, qui leur permettent de formuler et d’appliquer des politiques visant à donner effet à la présente Convention. […] Les informations recueillies conformément au présent article sont désagrégées, selon qu’il convient, et utilisées pour évaluer la façon dont les États Parties s’acquittent des obligations qui leur incombent en vertu de la présente Convention et identifier et lever les obstacles que rencontrent les personnes handicapées dans l’exercice de leurs droits. Les États Parties ont la responsabilité de diffuser ces statistiques et veillent à ce qu’elles soient accessibles aux personnes handicapées et autres personnes. »
Nous demandons donc à l’Etat belge de prendre ses propres responsabilités en la matière. D’autant que d’après les études étrangères, c’est 8.6 % à 16,1 %, de la population qui est concerné par les conséquences actuelles ou futures d’une perte d’audition.
[1-4] Haeusler L., de Laval Th., Millot Ch., Etude de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES), Etude quantitative sur le handicap auditif à partir de l’enquête « Handicap-Santé ». Document de travail, série Etudes et Recherche n° 131, Août 2014.
[2-5] INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques), Enquête Handicap-Santé 2008, Volet ménages et institutions, 2008.
[3] Sander M.-S., Lelièvre F., Tallec A., Etude de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) des Pays de la Loire – [basée sur l’exploitation des données de l’enquête HID 1998-1999 (Handicaps – Incapacités – Dépendances) réalisée par l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques)] Le handicap auditif en France : apports de l’enquête Handicaps, incapacités, dépendance –1998-1999, Études et résultats N° 589, Août 2007.
[6] National Health and Nutrition Examination Survey, Prevalence of hearing loss and differences by demographic characteristics among US adults, 1999-2004.
[7] B. Shield, Evaluation of the social and economic costs of hearing impairment, A report for Hear-it, 2006.
[8]Vos B., Oumourgh M., Lavenne M., Levêque A., Programme de dépistage néonatal de la surdité. Principaux résultats relatifs aux naissances de l’année 2016. Centre de référence pour le Programme de dépistage néonatal de la surdité, Centre d’Epidémiologie Périnatale CEpiP asbl, Bruxelles, 2017.
[9] Buziarsist J., Demarest S., Gisle L., et al., Institut Scientifique de la Santé Publique, Enquête de Santé par Interview Belgique 2001, Livre 2 : Etat de Santé, Limitations de l’activité et restrictions, IHP/EPI Reports n°2002-221, Bruxelles, 2002.
[10]Les rapports des enquêtes de santé par interviews menées par l’Institut Scientifique de la Santé Publique sont consultables ici : https://his.wiv-isp.be/fr/SitePages/Rapports.aspx. Date de consultation : 01/12/2017.