Etant affiliés à l’EUD et WFD, la Fédération Francophone des Sourds de Belgique (FFSB) a accès à leurs positions et à leurs recherches sur les avatars signés.1-2 Des recherches sur la conception, le développement, la production et la distribution de technologies de reconnaissance en Langue des Signes de Belgique Francophone (LSFB) ont permis de conclure que l’utilisation de l’avatar est acceptée, dans certains cas, et fortement déconseillées, dans d’autres. Voici deux illustrations où l’utilisation des avatars signés est communément acceptée :
- Le partage d’informations statiques préenregistrées à l’intention des clients, par exemple, dans les hôtels ou les gares, où des instructions peuvent être données sur l’endroit où s’enregistrer ou faire la queue.
- Des informations très simples peuvent être données via l’avatar
Ceci est acceptable tant que des personnes sourdes ont été impliquées dans l’évaluation de l’adéquation des phrases signées, et tant qu’il n’y a pas d’interaction ou de communication en langue des signes « en direct » comme le journal télévisé. Dans ce cas-ci, il est impossible de remplacer un interprète humain par un avatar puisque ce “dernier” traduira la langue française parlée vers la langue des signes à partir d’un lexique préalablement enregistré dont les signes pourraient ne pas avoir de lien avec le véritable contexte.
Les avatars sont préoccupants lorsque l’information délivrée est en direct, complexe ou d’une importance significative pour la vie des citoyens sourds, comme les bulletins d’information, les annonces d’urgences publiques, les conférences de presse… Et ce parce que tous les éléments de l’information, comme le sentiment d’urgence, le ton de la voix, etc. ne peuvent pas être correctement transmis et compris par le public cible.
Nous mettons donc en garde contre l’utilisation d’avatars signés en remplacement des humains signants car il y a une réelle différence de qualité linguistique entre les deux.
En effet, la LSFB est une langue à part entière avec sa propre structure complexe qui est distincte du français parlé et n’est pas un simple outil de communication. Ainsi, une traduction exacte de phrases et d’idées en langue parlée vers la langue des signes n’est pas possible, car toute traduction doit nécessairement prendre en compte le contexte et les normes culturelles. Les traductions automatiques générées par ordinateur ne sont pas culturellement appropriées, comme le feraient des interprétations directes via un interprète humain professionnel et qualifié en LSFB.
En l’état actuel des choses, les traductions automatiques n’ont pas encore réussi à surpasser la capacité humaine de créer une interprétation directe (parlée ou signée), et ce pour diverses raisons :
- Les traductions directes, mot à mot, ne sont pas toujours possible. En effet, l’obtention d’une équivalence ne repose pas uniquement sur de simples correspondances lexicales mot-signe, mais bien avec la prise en compte de la manière de transmettre le message en termes de lexique (mots/signes), de grammaire (structure), de sémantique (sens) et du discours (utilisation de la langue).
- Les traducteurs et les interprètes prennent le temps de se préparer afin de comprendre pleinement le message et de l’adapter au public cible via un registre adéquat. Une traduction automatique ne sera pas en mesure de prendre d’autres facteurs sociolinguistiques et socioculturels pour s’assurer que l’intention de l’expéditeur du message et les objectifs de ce dernier soient rencontrés.
- Les bases de données de la LSFB en ligne sont encore émergentes et ne contiennent pas de corpus complet numérisé de tous les signes possibles (y compris les variantes provenant de différentes catégories sociolinguistiques et les variantes régionales). Il n’y a donc pas de ressource numérique disponible pour générer des déclarations signées par des avatars.
- Les avatars ne fournissent qu’un canal de communication unidirectionnel, du français parlé à la LSFB, et non l’inverse. Il n’est donc pas possible pour une personne sourde de demander des renseignements complémentaires ou d’amener son opinion sur le sujet traité.
Bien qu’il y ait une réelle progression technologique, offrant le potentiel d’une utilisation plus large des avatars signants, les produits informatisés ne surpassent pas la qualité naturelle et les compétences fournies par des interprètes et des traducteurs dûment formés et qualifiés français – LSFB.
Les personnes qui utilisent couramment la LSFB et qui sont qualifiées pour présenter des informations sur des sujets particuliers, n’utilisent pas seulement les mains, les bras, les épaules et le torse. Elles utilisent également les mouvements de la tête et du corps ; qui incluent les expressions faciales et les formes de la bouche. De plus, l’utilisation de la LSFB véhicule également des informations culturelles, lorsque cela est nécessaire, pour transmettre le sens du message voulu.
Il est incontestablement important que tout travail et/ou projet portant tant sur la LSFB que sur la personnes sourdes et malentendantes soit réalisé en collaboration significative rapprochée par les personnes sourdes et les utilisateurs de la LSFB via leur association représentative, la FFSB. Ceci est une conséquence directe de l’article 4.3 de la Convention des Nations unies relatives aux droits des personnes handicapées qui prévoit que toutes mesures mettant en œuvre la Convention doit être réalisée en étroite collaboration avec les associations représentatives des personnes handicapées, en ce compris les personnes sourdes et malentendantes.
Cette collaboration doit avoir lieu de façon régulière dès la conceptualisation du projet, jusqu’à sa conclusion. Dans le cas de figure présent, tout projet portant sur des avatars signant français-LSFB doit voir le jour avec la collaboration de la FFSB qui, si elle l’estime pertinente, pourra déléguer à une autre association affiliée qui a des compétences linguistiques propres à l’utilisation de la LSFB et/ou aux travaux d’interprétation ainsi que de traduction.
La FFSB souhaite remercier Mme Vanessa Picron, Mme Marie-Florence Devalet et Mr Alexandre Bloxs pour la rédaction de la présente position. La FFSB remercie également la World Federation of the Deaf (WFD) et l’European Union of the Deaf (EUD) pour leur position et recherche sur l’utilisation des avatars signant.
Pour revisionner le débat et la présentation du projet avec l’équipe de la RTBF : Lien vers l’interview sur notre page Facebook : Le projet “SignoKids – table ronde” (ou bien cliquez sur l’image ci-dessous)